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Les droits de succession en cas d'inapplicabilité de la représentation successorale

Publié par Aurélien Bêche le 03 mai 2019 dans   Droit des successions et indivisions


Tous les ayants-droits à une succession se trouvent-ils sur le même pied d'égalité s'agissant des droits de succession à s'acquitter auprès de l'administration fiscale ?

La réponse est non, lorsqu'il s'agit de venir à la succession d'un auteur prédécédé ou en cas d'indignité successorale ou d'exhérédation.

Dans les faits d'espèce de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 avril 2019 (C. cass., Civ. 1ère, 17 avril 2019, n° 17-11.508), la de cujus laisse pour lui succéder les cinq enfants de son frère prédécédé et le fils de sa soeur toujours vivante mais exhérédée (déshéritée) par voie testamentaire, soit six héritiers, tous neveux et nièces, et donc ayant théoriquement une vocation égale à la succession

S'il pouvaient avoir la qualité de collatéraux privilégiés par représentation d'un auteur prédécédé (articles 751 et suivants du Code civil), il convient de préciser que la de cujus avait également laissé un testament olographe désignant l'ensemble de ses neveux et nièces légataires (a priori à titre universel), et exhérédant sa soeur survivante ; c'est d'ailleurs ce testament qui justifiait que le fils de cette dernière soit également appelé à la succession.

Les six neveux et nièces se sont donc vus répartir les avoirs bancaires dépendant de la succession en répartition par souche, soit la moitié à se répartir en 5 s'agissant des enfants du frère de la de cujus et l'autre moitié revenant intégralement au fils de la soeur de celle-ci. Ils avaient, sur cette base, procédé au dépôt de la déclaration de succession et avaient visiblement calculé les droits dont ils devaient s'acquitter et des abattements dont ils pouvaient bénéficier en fonction du barème applicable aux représentés, c'est-à-dire au regard de collatéraux privilégiés (frères et soeurs).

L'administration fiscale ne l'entendait cependant pas de cette oreille , et a émis un avis de recouvrement supplémentaire.

Elle considérait en effet que les cousins ne venaient en réalité à la succession de leur tante qu'en vertu de leurs droits propres, et non par le mécanisme de la représentation.

Après rejet de la contestation, l'un des héritiers a assigné le directeur départemental des finances publiques en annulation de cette décision, en décharge de l'imposition supplémentaire et en restitution de la somme versée.

La Cour d'appel reçoit cette contestation, mais cette décision est cassée par la Haute Cour qui retient de façon assez lapidaire que "la loi ne prévoit pas la représentation de l'héritier exhérédé par testament".

Il convient en effet de rappeler qu'en cas de représentation successorale, l'héritier bénéficie en principe des barèmes et des abattements du représenté. Ainsi, le neveu venant par représentation d'un frère ou d'une soeur prédécédée (si la succession est ouverte à compter du 1er janvier 2011) bénéficie du taux applicable aux collatéraux (35% et 45%) et non de celui du taux applicable entre parent jusqu'au 4e degré (55%), conformément à l'article 777 du CGI.

Or en l'espèce, il convient de distinguer le cas des 5 neveux et nièces dont l'auteur était prédécédé. S'ils auraient pu prétendre venir à la succession par le jeu de la fiction juridique de la représentation, il faut se rappeler qu'ils étaient également désignés légataires à titre universel par testament. Ils bénéficiaient donc de droits propres... Et devaient donc être taxés en qualité de "simple" parent jusqu'au 4ème degré inclusivement.

Un testament mal avisé si la tante avait voulu faire bénéficier ses neveux et nièces des dispositions fiscales les plus intéressantes... La solution aurait été tout autre si elle avait désigné son frère (avant le décès de ce dernier) légataire universel.

Pour le cas du neveu dont la mère, toujours vivante, avait été exhérédée, la solution de l'arrêt est plus innovante.

La Cour d'appel avait voulu rétablir une sorte d'équilibre, en retenant que la loi permettant la représentation en cas d'indignité successorale, il serait injuste qu'une personne dont le père ou la mère, normalement héritier(e), a été exhérédé, ne bénéficie pas du même mécanisme et des conséquences fiscales attachées, puisque selon les juges du fond, l'indignité n'est au fond qu'une sorte "d'exhérédation légale".

La Cour avait été jusqu'à analyser les volontés de la défunte, en considérant qu'en gratifiant néanmoins le fils de la soeur déshéritée, celle-ci avait bien entendu que son neveu vienne à sa succession par représentation.

En pure perte pour la Cour de cassation, qui casse l'arrêt en exposant le principe rappelé ci-dessus.

Les ayants-droits de l'héritier exhérédé ne se trouvent donc pas dans la même situation que les ayants-droits de l'indigne. Si les premiers peuvent néanmoins hériter intestat, ils viennent alors à la succession en vertu de droits propres, et doivent s'acquitter de droits de succession correspondant à leur propre rang dans la succession.

C. cass., Civ. 1ère, 17 avril 2019, n° 17-11.508